L’évolution métier concernant le traitement des factures
Les outils de la compta Tech (Dext, Spendesk, Pennylane…) sont en pleines effervescences, avec de nouvelles applications tous les mois. Par l’intermédiaire d’API, ces outils facilitent la relation entre eux et la production comptable : base commune entre client et Expert-comptable, liaison des pièces justificatives à l’écriture comptable, etc.
En parallèle, les néo-banques en ligne (Qonto, N26, Revolut …) permettent de lier à chacun des mouvements financiers une facture ou un justificatif.
Certains commerciaux avancent l’avantage de leur solution par la possibilité de ne plus avoir besoin de conserver la pièce comptable. Ont-ils raison ?
Quelle réglementation pour la conservation des documents officiels ?
Les articles de loi faisant foi au sujet de la conservation des documents officiels et des modalités de dématérialisation sont nombreux. Soyons simple et succinct sur ce point :
- L’article 1379 stipule qu’une copie fiable a la même force probante que l’original: toutefois, cette fiabilité est laissée à l’appréciation du juge par décret en Conseil d’Etat.
- L’article L102B montre les différentes durées de conservation des pièces fiscales, qu’elles soient numériques ou papiers. En règle générale, il est conseillé de garder ses documents comptables 10 ans et documents fiscaux 6 ans à partir de la date d’émission.
- Article A102 B-2 concerne les modalités de transfert d’une facture papier en numérique, son archivage ainsi que les règles de numérisation: pour résumer, le transfert de la pièce doit être réalisé dans des conditions garantissant sa reproduction à l’identique. Le résultat doit être conforme à l’original en image et contenu. Le code couleur d’une facture doit être respecté si le code a du sens, les dispositifs de traitements sur image sont interdits et la compression de fichier doit s’opérer sans perte.
Quelle réglementation pour l’archivage numérique des documents officiels ?
L’archivage numérique peut être fait par l’assujetti ou un tiers mandaté. L’opération est définie selon une organisation documentée ayant des contrôles internes pour assurer la disponibilité, la lisibilité et l’intégrité des factures.
En outre, les documents doivent être numérisés au format PDF ou format PDF A/3, et doivent être accompagnés par un cachet serveur basé sur un certificat conforme, qui comprend :
- Le RGS 1* minimum : premier niveau de sécurité des documents, seul le certificat suffit ;
- Une empreinte numérique et une signature électronique (RGS 1*).
À noter également que tout document numérique officiel (y compris les factures donc) doit être horodaté.
L’exemple de la déduction de la TVA et de la conversation des factures
Prenons l’exemple des factures concernant la déduction de la TVA. Que faut-il faire ?
- Une copie numérique dont le caractère identique à l’original est assuré par le respect de l’article L102B constitue une pièce justificative valable pour la déduction de la TVA ;
- Si une condition n’est pas remplie, le client peut encore présenter la facture papier s’il l’a conservée. Si le document est détruit, la déduction de la taxe est susceptible d’être mise en cause, il est donc conseillé d’évaluer les risques de destruction avec un expert-comptable (l’expert vous dit de surtout conserver la pièce papier !).
En cas de non-conformité, quelles sont les sanctions fiscales ?
- Sanctions fiscales en cas de non-conformité : Non traitement de la TVA, Potentielle non-déduction pour le calcul du résultat, et une amende de 15€ par information manquante et par facture.
- Sanctions fiscales en cas de défaut de facturation : amende plus élevée pouvant atteindre 50% du montant non facturé, si mauvaise émission de TVA, l’entreprise devra la payer et ne pourra pas la déduire. Et « cerise sur le gateau », possible sanction pénale allant jusqu’à 75K€.
Que disent les applications de numérisation des factures ?
Sachez que cette analyse n’a pas été faite pour toutes les applications de numérisation des factures mais la même logique s’impose au final pour toutes, à notre avis.
Les factures numériques avec l’application Dext
Pour Dext, sur leur site, voici l’information transmise. C’est clair :
« Chaque document doit être assorti de :
- un cachet serveur fondé sur un certificat conforme, au moins au référentiel général de sécurité (RGS) de niveau une étoile ;
- une empreinte numérique ;
- une signature électronique fondée sur un certificat conforme, au moins, au référentiel général de sécurité (RGS) de niveau une étoile ;
Ou de tout dispositif sécurisé équivalent fondé sur un certificat délivré par une autorité de certification figurant sur la liste de confiance française (Trust-service Status List-TSL).
Dext ne fournit pas ce cachet.
Chaque fichier est horodaté, au moins au moyen d’une source d’horodatage interne, afin de dater les différentes opérations réalisées.
Toutes les opérations liées à la facture sont enregistrées : utilisateur, date, modification.
C’est pourquoi nous vous recommandons à vous, Cabinets d’expertise comptable et clients, de conserver vos factures originales en cas de contrôle fiscal. »
On observe que Dext ne fournit pas le cachet nécessaire à la certification de la facture, impliquant donc que l’entreprise doit passer par un tiers physique possédant ce cachet.
Les factures numériques avec l’application Spendesk
Pour l’application Spendesk, il faut plus avancer pour respecter l’article L102B et A102B avec la remise d’un cachet de certification d’Universign et une sauvegarde avec leur partenaire Amazon Glacier. Attestation à l’appui reçu par Perspectives Conseils, par exemple.
Est-ce suffisant pour autant ? Non, au vu du texte suivant (extrait de leurs conditions générales de ventes) :
6.4. Responsabilité relative aux Contenus
Le Client est seul responsable des Contenus qu’il télécharge sur la Plateforme.
En particulier, le service d’horodatage qualifié eIDAS n’a pas pour objectif ou effet d’identifier une facture signée ou mal signée dans le cas de non-conformité fiscale au sens des dispositions des articles 96 F bis de l’Annexe 2 du Code général des impôts et/ou 1° ou 2° de l’article 289 du Code général des impôts. La responsabilité de Spendesk ne saurait être engagée à ce titre.
Les factures numériques avec l’application Pennylane
Pour l’application Pennylane, voici l’information sur leur site :
Puis-je imprimer une facture reçue par email puis supprimer l’email/la facture?
Une facture reçue sous format électronique doit être conservée sous ce format pendant au moins 3 ans, même si l’entreprise la conserve également en format papier après l’avoir imprimée. Passé ce délai, la facture peut être conservée, au choix, sous format papier ou sous format électronique.
Les factures numériques avec Qonto
Pour Qonto, voici leur réponse :
Il s’agit en effet du maillon faible de la chaîne : dans la mesure où nous n’avons pas développé un scan directement dans l’app Qonto pour prendre la photo et convertir le document en PDF automatiquement, il peut y avoir falsification à l’origine, et c’est toute la valeur probante qui s’en retrouve remise en question. Pour nous prémunir contre ce point, le client certifie que le PDF est fidèle à l’original de la facture, ce qui reporte sur lui la responsabilité si l’administration fiscale remet en cause la facture numérisée et qu’il n’a plus l’original.
Encore une fois, nous remarquons qu’il est nécessaire de conserver vos factures en papiers originaux en plus de respecter la réglementation en matière d’archivage numérique.
Non, il ne faut donc pas détruire les originaux papiers des factures
Tout suggère donc au client de garder une copie physique de leur facture afin d’avoir un document à fournir en cas de problème numérique. C’est notre conseil, même si nous pensons que l’administration sera bienveillante en cas de contrôle.
La vraie solution selon notre cabinet Perspectives Conseils est la facture électronique. Nous vous en parlerons lors d’un prochain article.